Comment écrire avec créativité ?

Ta vision détermine ton écriture

 

Pour bien se servir de sa créativité, il faut utiliser sa subjectivité.

Car ta justesse en écriture, c’est justement le respect de ta subjectivité.

La différence entre un bon roman et un mauvais roman, ou tout simplement un roman fade, un de ceux qu’on oublie à peine terminé, c’est la vision de l’auteur qui la détermine. Sur la même histoire, on peut écrire 100 livres. Ce n’est pas l’intrigue qui fait la différence.

Je ne veux pas dire qu’il faille la négliger. Tu connais mon point de vue là-dessus : une histoire structurée, avenante, avec ce qu’il faut de suspense et de psychologique possède infiniment plus de chances de séduire ton lecteur. Mais c’est la vision que l’auteur se fait du monde et sa manière de l’exprimer qui va la rendre plus ou moins passionnante… ou pas du tout. De là à penser que l’écriture est une vision du monde, il n’y a qu’un pas. Que je franchis allégrement.

 

Crédit photo : Mélanie Plante

Possèdes-tu une vision normée ou originale ?

 

Une personnalité formatée à penser ce que la société, ses éducateurs, parents, amis, collègues, patrons et autres veulent qu’elle pense est parfaitement préparée à écrire un roman fourre-tout de pensées normatives : clichés, idées toutes faites, préconçues. Et à servir à ses lecteurs, croyant bien faire, un style et un ton également passe-partout. À ne pas faire de vagues, rester dans la ligne des idées et sentiments communément admis, et user d’une langue quelconque. Bref, une personnalité impersonnelle n’exprimera pas sa subjectivité. Si tant est qu’elle en possède encore une.

C’est pourtant dans notre subjectivité et donc dans l’usage de notre liberté qu’il faut aller chercher notre originalité, notre personnalité pleine et entière, et les développer. Les conventions ont besoin d’être bousculées, repensées, dès qu’on entre dans le domaine artistique. La neutralité est un piège pour la création. Il faut élaborer une vision propre du monde pour écrire quelque chose qui ne soit pas commun, noyé dans la masse des écrits ordinaires. La banalité est un tue-l’amour en écriture comme dans la vie…

L’illusion d’une littérature totalement objective

 

Une littérature objective se contenterait de faits. Peu d’émotions, pas ou peu de pensées, et dans la norme bien entendu. Tout serait attendu, évident, pas de surprises, aucune fantaisie. Un roman complètement objectif (heureusement, cela me paraît totalement impossible bien que certains, comme Alain Robbe-Grillet s’y soient essayés) ne décrirait que des faits. Son écriture serait uniquement visuelle, sans profondeur. En surface. Car seuls les faits sont objectifs quand on ne les interprète pas mais qu’on se contente de les décrire.

Mais si des faits décrits objectivement sont en eux-mêmes impossibles dans la vie réelle, on arrive encore à la subjectivité, et c’est heureusement la porte ouverte à l’imaginaire. Prenons l’incipit de La métamorphose de Franz Kafka :

Un matin, au sortir d’un rêve agité, Grégoire Samsa s’éveilla transformé dans son lit en une véritable vermine. Il était couché sur le dos, un dos dur comme une cuirasse, et, enlevant un peu la tête, il s’aperçut qu’il avait un ventre brun en forme de voûte divisé par des nervures arquées. La couverture, à peine retenue par le sommet de cet édifice, était près de tomber complètement, et les pattes de Grégoire, pitoyablement minces pour son gros corps, papillotaient devant ses yeux.

La scène a beau être décrite de manière réaliste, objective, certes, nous savons bien que c’est impossible. Pourtant, le lecteur comme l’écrivain choisit de jouer le jeu et d’y croire le temps de cet excellent roman.

C’est une vison subjective et c’est bien cela qui fait la grandeur de ce livre terrible et inoubliable.

Franz Kafka
Crédit photo : Christiaan Tonnis.

L’intérêt et la qualité d’une littérature subjective

 

La subjectivité permet la métaphore. L’image. La comparaison. Les jeux de mots. L’humour. La sensibilité. L’utilisation de l’imaginaire. Les nuances de l’émotion et du sentiment. Le style. le ton. Ce que ressent tout personnage est parfaitement subjectif. Car l’écrivain qui nous intéresse vraiment nous parle toujours subjectivement du ressenti subjectif de ses personnages. Il fait preuve d’imagination, de créativité, il a élaboré dans son monde intérieur une vision.

Il faut écrire, c’est-à-dire inventer, et non rapporter ce que tout le monde dit ni décrire ce d’autres œuvres ont déjà raconté. Entre à l’intérieur de ta personne pour en tirer le matériau de tes livres. Fais appel à ton imagination, tes souvenirs, tes réactions, ce que tu penses, aimes, détestes, ressens. Fais appel à ta subjectivité quand tu écris. Fuis le moule de ces livres qui ne t’ont laissé aucun goût particulier, aucun plaisir magique. Oublie ces anecdotes mille fois entendues. Ou alors raconte-les à TA manière. Avec TA personnalité. TES ressentis.

Qu’est-ce qui intéresse ton lecteur ?

 

C’est ta vision. Ta façon de voir, sentir, penser, appréhender le réel. Oublie l’objectivité. Oublie de faire comme tout le monde. Oublie d’écrire comme tout le monde. Tu dois trouver ton style, et un ton qui soit le tien. Avec l’objectivité, on écrit de bons livres techniques, des thèses, mais pas des bons romans.

Si tu as peur d’en faire trop, de trop te dévoiler à travers ton style, tes personnages, ton intrigue, ne t’inquiète surtout pas : car il se pourrait bien que tu n’en pas encore assez fait pour vraiment te démarquer ! C’est long de construire une personnalité profonde, une vision personnelle, et de faire une différence. C’est un processus organique. La seule manière d’y arriver est d’écrire encore et encore. Et cela arrivera si tu le fais. Travaille ton imagination, ta créativité, ose des choses, sors des sentiers battus.

Il faut être sincère. Ton lecteur sera sensible à la sincérité de ton écriture,. Libère-toi, libère ta créativité.

 

Crédit photo : Hartwig HKD

Pourquoi ta créativité nécessite ta subjectivité ?

 

Revenons-y un petit peu. Tu ne peux éveiller ta créativité en tentant de rester objectif car tu resterais factuel. Donc à mourir d’ennui.

Le niveau de puissance de ta créativité dépend de la liberté que tu t’octroies à écrire subjectivement. Jusqu’à quel point assumes-tu ta subjectivité, et tes goûts esthétiques en matière de littérature et d’écriture ?

La création se place toujours du côté de la subjectivité. Nourris de ta vision subjective tout ce que tu écris, imprègnes-en tes personnages, tes décors, tes intrigues, ton style, le ton, tes métaphores, sensations, impressions, sentiments, pensées de ton roman, ta nouvelle…

Flaubert aurait dit : « Madame Bovary, c’est moi.» Que cette citation, controversée, ait été réellement dite par Flaubert ou non, elle résume bien sacrément bien l’affaire !

Sans vision personnelle, il n’existe pas d’œuvre personnelle. Seulement du tout venant. Un énième livre sans intérêt.

Ne crains pas d’écrire ce que tu penses, ressens, vois, etc. Ne crains pas de t’exprimer, et te révéler aux autres. Ta personnalité doit nourrir ton œuvre. Ne te méprends pas : tu n’infiltreras pas ta personnalité systématiquement dans chacun de tes personnages sinon tous tes romans raconteront le même personnage. Et quand bien même ! C’est au fond ce qu’à fait Patrick Modiano toute sa vie, et on ne pas dire que cela ne lui ait pas réussi ! Ces livres sont merveilleux. Instille ta vision du monde, de la vie, subtilement au travers de tes livres.

Ta vision personnelle se nourrit forcément de ta subjectivité. Sans elle, tu n’écrirais que des lieux communs. Ose. Ose écrire ton vrai roman, ton vrai livre. S’il est cru, sois cru. S’il est drôle, sois drôle. S’il est émouvant, sois émouvant. Méprise les demi-mesures. Dans ta personnalité, tes ressentis, ton imaginaire, tes émotions, tes sentiments, tes raisonnements se trouvent ta vérité personnelle, ton style propre, un ton unique, ton originalité. Donne-toi le droit de libérer ta subjectivité et ose écrire ce que tu as à écrire.

Ta justesse en écriture, c’est le respect de ta subjectivité. Tout se travaille… Le plus simple est de commencer par la travailler sur des textes courts. Puis de voir de plus en plus grand jusqu’à une vision plus personnelle et créative.

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6 Commentaires

  1. Marie-Noëlle

    Merci pour ton article qui sort lui aussi des sentiers battus! Il me parle…

    Répondre
    1. Laure Gerbaud (Auteur de l'article)

      Merci de ton retour, Marie-Noëlle. Et ça me fait plaisir que tu penses que mon article sort des sentiers battus. C’est tout le défi que je suis lancée ici : ne pas répéter sur l’écriture ce que je lis partout. Et ça n’est pas facile ! Si cet article te parle, c’est que tu as sûrement des ressources pour créer ton propre ton, ton style unique. Bonne créativité à toi.

      Répondre
      1. Marie-Noëlle

        Merci Laure pour ta réponse. Pour continuer à profiter de tes articles et conseils sur le chemin de ma propre créativité, je m’abonne à ton blog. Bonne continuation à toi aussi et au plaisir de ta visite sur le mien!

        Répondre
  2. Marie pierre

    Quel article intéressant et intelligent ! Tout cela résonne en moi car je suis dans l’ écriture de mon deuxième roman et j’ ai l ‘ impression de me brider .
    Je suis même en train de me demAnder si le thème que j’ ai choisi n’ est pas trop casse-gueule ( la guerre des sexes) et du coup suis dans le doute … alors que c’ est ce que j’ ai envie de traiter !

    Répondre
    1. Laure Gerbaud (Auteur de l'article)

      Bonjour Marie-Pierre,
      Tout est casse-gueule au fond. Plus ou moins évidemment. Mais la guerre des sexes, c’est intéressant, ça vaut le coup. Lâche les chiens ! Sur un tel sujet, le politiquement correct n’est pas de mise. Regarde si ton ton est pertinent pour dire ce que tu as à dire, c’est important.

      Répondre
  3. beatrix

    Bien dit !

    Répondre

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