Une semaine, un défi : texte n°10 avec le mot ferme
J’ai enfin tiré le gros lot : ferme ! C’est un mot que l’on peut décliner de mille manières car il possède de multiples significations. Laquelle choisir ? Puisqu’on pourrait écrire dix textes très différents à partir de ce mot.
Je me suis laissée envahir par cette question quelques minutes, puis par le doute : ce ne serait pas mieux de traiter de la ferme ? Ou du fait de se montrer ferme ? Ou … A ce point-là, 7 ou 8 minutes s’étaient écoulées, et j’ai compris que j’allais me noyer !
Vite, couper court aux questionnements, et faire jaillir l’étincelle qui allume le feu ! J’ai coupé court, ouvert une page Word, et sans écouter ma fichue raison, et sans aucune raison sinon mon plaisir à écrire et partager, j’ai écrit… un long poème !
Je ne la ferme pas !
Sois ferme dit le général
Sois plus ferme dit l’amiral
Enferme-le cet animal
Dit le flic au marginal
Ferme-là dit la mère au père
T’es un con c’est une misère
Ferme-là dit le père à l’enfant
J’ai pas envie d’t’entendre en rentrant
La ferme dit le colonel à l’adjudant
Ferme la porte dit celui qui a peur des brigands
Il l’a fermée dit celui qui veut faire le malin
Quand il a vu la taille de ma main
Et justement et justement
Ou plutôt injustement
Ayez la main ferme disait dans le temps
Le père au maître d’école pour son enfant
Ferme à double tour disait le seigneur au manant
Laisse-le au cachot qu’il crève ce paysan
Ferme les double-battants
Ce soir il y a trop de vent
Dit celle que la crainte prend
A tout bout de champ
Ferme ta gueule dit le CRS au manifestant
Ou je te fais sauter les dents
Ferme Sois ferme
Tu vois bien qu’il est insolent
Dit le beau-père devant le pauvre enfant
Moi j’aime entendre
le
Ferme ta veste il ne fait pas beau temps
Que dit la mère qui aime son enfant
Et
le
Ferme la porte tout doucement
Sur notre amour insolent
Et
Que s’aiment les deux amants
Et
le
Sois ferme dans ton amour
Aime par tous les temps
Que le monde soit fou ou aimant
Ça Jésus l’a dit de son vivant
Et
Que les hommes soient bons ou méchants
Je préfère mon rêve de tendresse
Mon rêve d’amour partagé
Je refuse la détresse
De mes amours piétinés
Quand à mes amitiés ratées
Je préfère les oublier
J’ai choisi de vivre ma vie
Comme un rêve inspiré
Un morceau de poésie
Sur une terre colorée
C’est un pays oublié
A l’autre bout de tout
Ancien comme un bijoux
Mystérieux comme le vaudou
Le ciel est bleu
D’un bleu sans sérieux
Le soleil parfumé
Les palmiers évaporés
On ne ferme aucune porte
Rarement les fenêtres
Pas d’ordres pas de voix fortes
Nulle violence aux êtres
Les amants ont le droit de s’aimer
Personne n’a envie de vitupérer
On n’enferme personne
Tout le monde vit en liberté
Il n’y a pas de bonnes
Pour servir les curés
Ni de curés vicieux
Pour jouer avec les nonnes
Il n’y a pas de malheureux
C’est le pays du Bon Dieu
Il y a bien quelques fermes
Mais les paysans sont heureux
On n’a pas des principes très fermes
On préfère le bonheur aux idées
Les émotions ne sont pas cadenassées
Mais les valeurs sont fermes
Juste comme j’aime
Avec un brin de tendresse
Juste comme j’aime
Presqu’avec paresse
Dans ce pays -là
Et dans ces cœurs-là
On tient ferme
Aux vertus et qualités
Des âmes élevées
Oui nous tenons ferme
De tout nos cœurs libérés
Au bonheur et à la bonté
Mon commentaire :
C’est un inventaire à la Prévert, avec le talent de Prévert en moins. C’est spontané et frais. J’ai fait une tentative de ponctuation après avoir écrit ce poème, qui est venu sans, pour vérifier qu’il n’en avait pas besoin. J’ai trouvé que c’était mieux sans ponctuation.
J’ai joué sur la présentation avec Et et le. Malheureusement, la technologie fait des siennes ! Elle ne veut pas écrire Et et le à 5 ou 6 intervalles du bord. C’est là qu’ils doivent être. Je vous laisse imaginer combien ce serait plus agréable et pertinent à la lecture. Ils doivent se situer idéalement au milieu du vers qui les précédent. Je trouve que c’est important d’adhérer complétement à ce qu’on raconte : et visuellement (là, je reconnais que la peintre, la dessinatrice parlent en moi) et par le rythme, la musique. Particulièrement en poésie.
Car c’est le domaine de la littérature où l’on peut se permettre le plus de libertés, de fantaisies. La poésie, c’est un immense terrain de jeu. Je jubile quand j’écris un poème, tout est si facile, avec des contraintes si limitées. Avec ce poème, je suis toujours à la limite du jeu de mots, et toujours dans l’ironie, la dénonciation, l’indignation mais l’appel à la tendresse. Notre vieille humanité en manque tant : les êtres sont si durs pour eux-mêmes et avec les autres. Toute l’éducation de notre monde est à revoir.
Je me suis beaucoup amusée à écrire et je le dis d’une voix ferme : ce fut un régal.
Pour rappel, le défi n°9 évoquait, à sa manière, le fait de vivre ensemble… ou pas, de manière agréable… ou pas.
Et vous, qu’allez-vous écrire avec le mot ferme ? N’oubliez pas de me partager vos commentaires ci-dessous, je serai ravie de vous lire.
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L’auteur a frotté le mot à ses multiples significations et fait crépiter son texte.J’ai bien apprécié la tonicité de la formule poétique coupant court à toutes élucubrations philosophiques ou psychologiques.L’illustration photographique semble vouloir dire le cri émis peut conduire à l’apaisement,c’ est d’ailleurs ainsi, que le texte progresse spontanément,avec une lucidité virtuose et optimiste,comme l’auteur.
Waouuu ! Merci Marie-Françoise, ton commentaire me fait très plaisir : lucidité et optimisme, c’est en effet mon crédo !
Petit texte à la limite du défi du défi…
En parlant du coq, Coluche disait qu’il était le seul animal à pouvoir chanter les deux pieds dans la m—e.Mais aussi ailleurs, ailleurs que dans la ferme,pourrait- on ajouter.On peut s’amuser d’un rien avec des mots,mais peut on rire de tout ,cela dépend du rien, du tout,des autres,’
Tel un spadassin vous rimaillez à « coups de sabre que veux-tu », il vous faut entailler largement et profondément, laissant de profondes cicatrices au corps de votre ennemi intime….pourtant..vos escarmouches sont dignes d’une fine lame et vous maniez l’épée comme une grand dame.Semblable à LA MAUPIN vous avez l’ effronterie d’en tirer vanité ce qui me ravit et de LA BEAUPRES vos avez la rage de ne point être prise au sérieux.
La colère est libératrice et fait de beaux ravages chez les fâcheux…Qu’ il est doux et rassurant d’entendre le cliquetis des armes qui s’entrechoquent au sein d’une bataille….pourfendre les gueux et les cons n’est pas donné à tout le monde.OSEZ..OSEZ et encore OSEZ.
Ah, ah, Loupzen !
Quel joli billet vous me laissez là ! J’adore ! Mon modèle est Ghandi, mais ma vérité intime est de brandir l’épée facilement car j’aime pourfendre les cons, telle est ma contradiction! Il faut bien vivre avec… Je ne serai sans doute jamais le modèle de tranquillité sereine auquel j’aspire : la connerie me fait trop vite bouillir le sang, et il faut que je lave à grande eau la connerie qui salit le monde, à ma façon : les mots sont mon épée.
Touchée ! Je vois que je suis à découvert et que je ne parviendrai jamais à camoufler que je ne suis pas un modèle de patience avec la connerie contemporaine ou ancienne, d’ici et d’ailleurs.
Entre nous, vous avez l’épée habile aussi, et je conseille aux lecteurs de ce mot de se balader sur votre blog Hurlements de loup, le bien nommé.
Continuons d’oser, frère Loup.
Votre fraternité me touche intensément….que ne suis-je un poète de race pour qu’à vos cotés je porte l’estocade aux faquins qui oseraient prétendre qu’il faut tout oser pour que nous fassions partie de leur fratrie !(AUDIARD….sort de ce corps ).
Si nous avons osé c’est qu’à l’impossible nous étions tenus.
Tiens ferme…
La porte du jardin ne ferme plus,
Elle est coincée.
Les volets fermés ne s’ouvrent plus depuis l’été dernier.
Le bois vermoulu résiste ferme à l’humidité, mais la grande salle ferme ses portes aux pas du fermier.
De La grange, fuit l’odeur du fumier
Et le temps s’envole sans bruit, fermant l’époque que tu nommes jadis.
« fermant l’époque que tu nommes jadis » magnifique ça !