Une semaine, un texte : défi n°6 avec le mot anthémis
Un peu de retard cette semaine. Il faut dire qu’au bout de la cinquième semaine alitée, avec des poumons qui ne m’oxygènent plus aussi bien, et les attentats de vendredi, il est difficile de me concentrer. Vous me pardonnerez sans doute. Mais le texte est là même si je le poste un dimanche. Je tiens mon pari.
Je suis tombée sur le mot anthémis. Un mot savant qu’on n’emploie pas couramment, à moins d’être jardinier, fleuriste passionné de botanique, ou poète dans l’âme. Il est vrai que le mot tourne bien dans la bouche, il est élégant, un rien désuet : Anthémis, Anthémis, Anthémis. Ce mot est doux à l’oreille, on en ferait presque un prénom. Naturellement m’est venu un court texte qui est un hymne à l’amour, à la tendresse, à la poésie de la vie, à la nature. Très loin de notre monde de plus en plus brutal, très loin de la sauvagerie dont nous sommes témoins -ou victimes.
ANTHÉMIS
Anthémis… le nom faisait rêver. Et pourtant rien de plus simple qu’une anthémis. C’est une fleur qui ressemble à s’y méprendre à la marguerite ou la pâquerette. On la voit par bosquets, jaune ou blanche au cœur jaune, la plupart du temps. On la voit moins souvent rose ou mauve. L’anthémis est de la famille des Astéracées qui donne aussi la fleur dont on fait des infusions de camomille.
Et pourtant… Il me revient le souvenir d’une demoiselle au cœur jaune et à la collerette parme, toute simple, moi qui fut amoureux éperdu de ses pétales lisses, son cœur duveteux, ses effluves parfumées très discrètes. Je m’y posais tous les matins, sitôt mes ailes baroques de papillon orange et noir défroissées de la nuit. La rosée me la rendait plus belle encore, plus désirable. Elle semblait si tendre, si émouvante dans l’atmosphère floue et embrumée du petit matin. Je m’y posais léger, discret, heureux, timide, timoré même. Le cœur transi du désir de lui plaire. Je n’étais jamais tombé amoureux d’une fleur. J’en avais connu d’altières, sans défauts, parfaites : des renoncules sublimes, des jasmins époustouflants, des chrysanthèmes énormes, des pivoines de sang… Mais rien ne me parût plus émouvant que cette modeste fleur quand je la rencontrai un matin, aux alentours de midi, dans une fournaise d’été. Elle était là, dans le champ, entourée de ses sœurs groupées en massifs touffus, mais mes yeux, comme dans toute rencontre amoureuse, ne virent qu’elle. Une Anthémis merveilleuse…
Je sus que c’était elle, c’est tout. Parce que c’était elle, parce que c’était moi. J’aimais son esprit rustique, ses répliques sans malices, son cœur débordant de tendresse, son allant pour les choses de l’amour.
Nous fîmes vite connaissance. Le soir même nous faisions l’amour comme des sauvages. Toutes la journée ses sœurs avaient copulés avec des libellules, des coccinelles, des abeilles, des guêpes, des scarabées et j’en passe. Pour nous, ce fut au soir couchant, dans les débauches de dentelles roses et saumonées abandonnées par les cieux : le soleil faisait l’amour à la terre avant de s’endormir. Nous en fîmes autant. Anthémis ferma sur moi la multitude de ses feuilles mauves, m’étreignit avec douceur, sans blesser mes ailes fragiles, sans en faire tomber leur précieuse poudre nacrée. Elle était si délicate sous son apparente rusticité ! Bientôt nous nous abandonnâmes à tous les charmes de notre ivresse amoureuse. J’embrassai son cœur avec ardeur, la travaillai de mes grêles pattes et elle s’extasiait, pâmée. Jamais je n‘avais donné tant de bonheur à une partenaire ! Elle roucoulait de plaisir, et je rougissais de bonheur. Le sexe, jamais, ne m’avait paru plus délicieux ! Un papillon fait l’amour avec les papillons, c’est dans sa nature. Mais avec les fleurs ! Je m’étais éloigné des sentiers balisés ; je savais qu’il m’en serait fait reproche dans ma communauté. Elle était paysanne, je suis aristocrate. Une Anthémis des champs, commune Anthémis arvensis, frayait avec un Monarque, un Danaus plexippus, grand voyageur. Mon exotisme ne lui déplaisait pas : j’étais né en Californie, j’avais vécu au Mexique. Mais qu’importait ! A partir de ce jour, ce furent chaque jour les transes au soleil déclinant, les soupirs, les convulsions, les cavalcades furieuses, le bonheur d’exister. Tout l’été se passa ainsi, amoureusement. Nous étions attachés comme de jeunes mariés. Nous savions cependant que l’existence d’une fleur est courte. La mienne non plus ne durera pas. Mais comme nous avons su en profiter ! Je l’ai accompagnée jusqu’au dernier souffle. Elle est morte rapidement, hier, en une journée à peine. J’en ai moi-même encore pour deux ou trois jours sur cette terre mais je m’en moque. Je pars serein. J’ai réussi mon court passage. J’ai profité de tout. Et s’il existe un au-delà, nous nous y retrouverons dans peu de temps.
MES COMMENTAIRES :
Un texte bref comme l’existence d’une fleur et d’un papillon. Je me suis d’abord demandé pourquoi je n’avais pas davantage d’inspiration car j’ai trouvé le texte bien court. Puis je me suis rendue compte que sa brièveté s’expliquait : il fallait un rythme rapide pour rendre la fugacité et l’intensité de cette histoire d’amour. La poésie vient donc davantage de l’histoire d’un amour, curieux, entre les protagonistes de deux espèces -végétale et animale- faisant fi de ce qui les oppose, en toute liberté et plaisir, que de la recherche stylistique. Pour dire vrai, le style est naturel, je n’ai rien forcé, rien travaillé. Morale de l’histoire : l’amour existe parfois là où nous ne l’attendons pas pour peu que nous ouvrions les yeux.
Que pensez-vous de mon défi ? Avez-vous lu le dernier défi avec le mot gloutonnerie ? Avez-vous un texte à poster ci-dessous, qui mette en valeur le beau nom d’anthémis ?
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Anthémis est un nom qui fait rêver dit l’auteur,d’autre évoque des cauchemars,mais plus on aime les mots plus on préfère les idées d’amour aux idées de haine.Si vous trouvez cette réflexion simpliste cherchez en tous les sens .J’ai l’impression que Laure en trouverait à l’infini.
M’aurais-tu percée à jour -sous mes airs de râler toujours ?