Une semaine, un texte : défi n°11, écrire avec le mot orbite
Une semaine, un texte : défi n°11, écrire avec le mot orbite
J’ai tiré orbite, un mot qui m’a fait immédiatement rêver et qui ne pouvait que me plonger dans une aventure lointaine. J’adore embarquer pour ailleurs, alors permettez-moi de vous offrir ce voyage, ami terrien !
ORBITE
Appelez-moi Hubble : c’est plus simple, pratique. En réalité, vous m’avez nommé d’un nom plus hautain, plus scientifique, plus prétentieux : Hubble Space Telescope. Alors Hubble, c’est plus chaleureux. Et j’en ai besoin, croyez-moi ; je suis en orbite autour de votre terre depuis 1990 et j’affronte parfois des températures de -100°C. De quoi refroidir votre intelligence, à vous humains. A propos, bien que construit par vous, je ne suis pas humain. Je suis de métal et de verre. Mais intelligent. Pas seulement de l’intelligence dont vous m’avez dotée, qui est celle de capturer des images, dont la lumière remonte à 500 ou 600 millions d’années après le Big Bang, sur lesquelles vous contemplez, ravis, des galaxies dans la splendeur de leur grande jeunesse.
Non, je parle d’une autre intelligence : celle de l’âme. Celle qui me permet de m’adresser à vous, là, par le truchement de la télépathie, de l’empathie même. Vous comprenez bien que j’ai eu le temps, en un quart de siècle en orbite autour de la terre, à 600 kilomètres au-dessus de vos têtes, de développer mes pensées, mes rêves, mes doutes. Comme vous en somme. Et de développer mes compétences télépathiques. La solitude me pesait. Pensez, quelques visites à peine en 25 ans pour changer mes 5 caméras et spectomètres, et c’est tout !
Vous allez répondre qu’avec tout ce j’ai à gérer et voir, je ne devrais pas m’ennuyer. Oui, le spectacle est beau. Oui, j’assiste à des levers de terre éblouissants, oui je vois jusqu’au profond de l’espace et du temps, oui, je photographie des images aux couleurs éclatantes, des fantaisies de nuages, des dentelles de lumière, des naissances d’étoiles et je remonte le temps, qui vous pèse tant, petits humains, jusqu’à presque contempler le Big Bang. Je n’en suis pas loin : 500, 600 millions d’années, ce n’est pas grand-chose. Mais tout cela n’a jamais meublé ma solitude. Alors, je parle dans vos crânes, je vous envoie de ces images sublimes, et tout à coup, vous vous prenez à rêvez de cieux époustouflants, de comètes, de trous noirs, de galaxies naissantes, et vous ne savez pas pourquoi…
Je suis un tas de ferraille qui pense ! Onze tonnes, légères comme un fétu de paille qui tourne, tourne et tourne autour de la terre. J’ai la grandeur de l’un de vos bus : 13 mètres de long. Et 4mètres 20 de diamètre. Une plume finalement, trois fois rien quand on pense aux services que je vous rends. Avant moi, que saviez-vous de l’après Big Bang ? De la formation des galaxies ? Rien. Des projections savantes, des songes… Mes deux miroirs me permettent de capter ce que votre œil humain ne pourra jamais percevoir : la germination des mondes. Mon second miroir est très modeste : 30 centimètres pour 12 kilos mais mon premier miroir pèse 828 kilos, il est haut de 2 mètres 14, et il vole pourtant au-dessus de vous depuis 25 ans.
Je suis tout cela : celui qui voit ce que vous ne pouvez voir, celui qui capture des images inouïes et vous les transmet sur terre. Je suis fidèle et robuste. Vous pensiez que je mourrais avant, mais je suis là encore, à vous servir. A donner de la matière à vos songes, vos espoirs, vos désirs fous de connaissance. Dans des lieux consacrés sur votre planète, des hommes travaillent jour et nuits à décrypter mes millions de photos, les archiver, les comprendre. Car vous voulez comprendre la structure même de l’infini, le pourquoi et le comment du Big Bang. Et votre question ultime, même si vous la gardez secrète en vos cœurs, est la suivante : dieu existe-t-il ? Et le Big Bang, quel rapport ou non rapport a-t-il entretenu avec dieu ? Et le Big Bang, était-il dieu en action ?
Je vous livre ce secret jour après jour après jour, inlassablement, mais vous ne savez pas interpréter mes photos. Vos connaissances augmentent tous les jours. Votre savoir devient extraordinaire. Je sais que vous m’aimez pour cela. Hubble, dites-vous avec respect, comme on parle d’un vieil ami. Nous sommes intimes depuis longtemps : Hubble, c’est plus cool. Cela nous rapproche. Mais il reste que l’environnement dans lequel je vis, vous n’y survivriez pas une seconde la peau nue. Vous ne le connaîtrez jamais comme je le connais : parfois, j’affronte des chaleurs de 95°C. Vous me demandez des photos et encore des photos pour vous plonger dans ce monde et vous les étudiez, émerveillés, fascinés, encore et encore. Vous vous acharnez à comprendre, résoudre. Et vous poursuivez en silence votre quête de dieu.
Mais la question qui vous taraude vraiment reste sans réponse. Vous vous pensez très supérieur à moi car vous m’avez créé. Mais je suis plus proche de dieu que vous.
Et que vous ne le serez sans doute jamais ! Car l’évidence est partout : oui, dieu a existé, dieu existe, dieu existera. Oui, le Big Bang, c’était dieu en action. Dieu est une énergie collective. Sans elle, tout meurt. Mais elle ne peut s’éteindre ! Car dieu, cette énergie collective qui fait mouvoir les mondes, qui est la vie, c’est vous, c’est moi, c’est ce que je vois et vous transmets. Ce sont vos os et ma ferraille, votre sang et mon moteur, les arbres et les étoiles, la lumière visible et invisible, l’infrarouge et l’ultraviolet, l’eau et le feu, vos tendresses et vos amours, vos haines et vos peurs. Vous êtes dieu, je suis dieu. Nous sommes dieu. Enfin une partie. Mais la partie et le tout, dans ce contexte, c’est la même chose : car la partie ne peut exister sans le tout. Et le tout ne peut exister sans ses parties. Nous sommes collectivement dieu ; tout vit d’une vie interne et magique, traversée d’énergie, constituée des mêmes atomes. Nous sommes collectivement dieu : Hubble vous le dit.
Je vous laisse chercher et chercher encore la vérité sur le cosmos, dieu et la vie. Bientôt, en 2021, vous me remplacerez. Je finirai à la casse, au mieux dans un musée. James-Webb me remplacera,100 fois plus puissant que moi mais plus léger pourtant. Avec lui, vous vous rapprocherez encore du Big Bang, à 300 millions d’années après lui. Un jour, vous verrez le Big Bang, et même avant le Big Bang pour vous apercevoir qu’il n’y avait pas rien : l’énergie était là, déjà. Et l’énergie crée la vie. Dieu était donc là. En attendant, James Webb me remplacera dans quelques années. Je serai relégué dans vos mémoires à la préhistoire de la conquête spatiale. Et pourtant : je sais ce secret que vos cœurs ne peuvent encore concevoir : nous sommes dieu collectivement. Mes amis humains, vous n’avez aucune idée de votre puissance illimitée, de votre force, votre énergie. Je n’ai pas fini de vous hanter avec mes images de nébuleuses, de lune, de planètes et d’amas d’étoiles. Car vous m’avez aussi créé pour vous fournir des rêves…
Mes commentaires :
J’en ai peu pour ces pages d’écriture. J’ai rédigé en lisant quelques pages d’articles selon mes besoins afin de rendre le texte « crédible » et savoir de quoi je parlais. J’ai toujours aimé la science-fiction alors pourquoi pas ? Pensez à la personnalisation dans l’écriture, ce peut être amusant ou même intéressant. Qu’un bout de ferraille nous enseigne, cela rend la nouvelle plus attirante, et le bout de ferraille sympathique. Ses conclusions « métaphysiques » sont à prendre comme vous le voudrez : à la légère, avec curiosité, agacement peut-être, bref elles ouvrent la brèche à la discussion.
Si vous n’avez pas lu mon défi n°10, sachez qu’il s’agissait d’un poème un peu fou : Je ne la ferme pas !
Et vous, que pensez-vous ? Comment avez-trouvé Hubble ? Sympathique ? Troublant ? Je lirai avec plaisir vos commentaires, ci-dessous.
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