Comment créer un personnage de roman crédible et inoubliable ?
Crédit photo: Insomnia Cured Here
Dans l’article précédent que vous pouvez consulter en cliquant ici, nous avons vu que le personnage doit être :
1 Crédible et cohérent avec tout l’univers évoqué par votre roman
2 Cohérent pour lui-même jusque dans ses incohérences
Et aussi :
3 Choisissez un nom qui colle à la peau de votre personnage
4 Soignez la description physique de votre personnage
A Utilisez vos 5 sens
B Utilisez aussi les 5 sens de votre personnage
Vous pouvez aussi jouer sur :
5 La description intérieure (focalisation interne) du personnage :
Ses pensées, émotions, sensations, sentiments, ses souvenirs révèlent sa psychologie. Quels sont ses qualités, défauts, caractéristiques principales ? Se montre-t-il lent, rapide, gentil, méchant, nostalgique, joyeux, etc ? Quels sont ses désirs, ses fantasmes, ses plaisirs, ce qu’il déteste, aime, ce à quoi il aspire ?
« Bérénice avait peur d’elle-même, plus que d’Aurélien. Peur de la blessure terrible d’une désillusion. Elle savait ce qu’est le puits d’une désillusion. Elle savait ce que c’était que d’en sortir. Assez pour deviner comment il était possible qu’on n’en sortit pas. » Aurélien, Louis Aragon
« Je ressentis devant elle ce désir de vivre qui renaît en nous chaque fois que nous prenons de nouveau conscience de la beauté et du bonheur. »
A l’ombre des jeunes filles en fleurs, Marcel Proust
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6 Les rapports du personnage avec le monde extérieur (focalisation externe) :
Il existe souvent un lien de cause à effet entre le personnage et son milieu, le décor, les autres personnages. Chez Balzac et Zola, par exemple, les interactions entre le personnage et le monde sont très importantes. Le passé, l’éducation, le milieu social, la morale, les habitudes, les rituels, etc de votre personnage peuvent être racontés précisément ou à peine suggérés (on les devine alors seulement par ses rapports avec le monde extérieur.)
Vous serez plus ou moins pointu selon que vous pensez que l’interaction entre le milieu et l’humain est importante, voir prépondérante, comme chez les écrivains naturalistes, ou si vous considérez, comme dans le nouveau roman (Sarraute, Butor), que l’homme est ce qu’il est quel que soit son milieu.
« Il vivait sur la dette, parmi un peuple de créanciers qui engloutissaient au jour le jour les bénéfices scandaleux qu’il réalisait dans certaines affaires. Pendant ce temps, au même moment, des sociétés s’écroulaient sous lui, de nouveaux trous se creusaient plus profonds, par-dessus lesquels il sautait, ne pouvant les combler. Il marchait ainsi sur un terrain miné dans la crise continuelle, soldant des notes de cinquante mille francs et ne payant pas les gages de son cocher, marchant toujours avec un aplomb de plus en plus royal, vidant avec plus de rage sur Paris sa caisse vide, d’où le fleuve d’or aux sources légendaires continuait à sortir. »
La Curée, Emile Zola
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7 Comment le personnage s’exprime-t-il ?
Quel langage emploie-t-il ? Son vocabulaire, son ton, sa voix révèlent son caractère, son milieu social, et parfois même son physique. Votre personnage donne-t-il un baisemain, dit-il : Bonjour Madame, ou Salut ?
« Je ne sais comment ma grand-mère avait adopté le leitmotiv de « comment dire », mais au fur et à mesure que les années passèrent il ne cessa d’envahir de plus en plus ses phrases. J’aime penser que c’était un inconscient appel au secours… une question extrêmement sérieuse ; malgré sa présence importante, elle était à la dérive dans le monde. Et, voyez-vous, elle ne savait pas comment le dire. »
Les enfants de minuit, Salman Rushdie
« C’était un mari parfait : il ne ramassait jamais rien, n’éteignait jamais la lumière, ne fermait jamais une porte. Le matin, dans l’obscurité, lorsqu’un bouton manquait à ses vêtements, elle l’entendait dire : « Un homme aurait besoin de deux femmes : une pour l’aimer, l’autre pour lui coudre ses boutons. » Tous les jours, à la première gorgée de café, il poussait un hurlement déchirant qui n’effrayait plus personne, et lâchait ce qu’il avait sur le coeur : « Le jour où je ficherai le camp de cette maison, tout le monde saura que c’est parce que j’en ai assez de me brûler la langue. »
L’Amour aux temps du choléra, Gabriel Garcia marquez.
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8 Les contradictions du personnage :
Le personnage peut sembler cohérent au premier abord mais on s’aperçoit par exemple que son physique ne correspond pas à son milieu (vous avez une raison de faire cela bien sûr), ce qui peut le rendre intriguant et intéressant. Ou que sa morale ne correspond pas à ses comportements (le prêtre vicieux, le flic qui cache son passé d’assassin) et cela en fait un personnage malhonnête. Il peut aussi se montrer ambigu dans ses réactions ou ambivalent (il est lâche mais se force au courage). Ou encore ses discours ne collent pas avec son existence, etc. Les contradictions vous permettent de construire un être complexe, ou mystérieux, ou dangereux, ou émouvant ou duplice… Elles permettent aussi la construction du parfait anti-héros, du mal incarné (souvenez-vous du gentil Jedi qu’était Dark Vador dans sa jeunesse.) A voir de voir : anti-héros ou héros ambivalent ?
« Cette folle de Renée, qui était apparue une nuit dans le ciel parisien comme la fée excentrique des voluptés mondaines, était la moins analysable des femmes. Élevée au logis, elle eût sans doute émoussé par la religion ou par quelque autre satisfaction nerveuse, les pointes des désirs dont les piqûres l’affolaient par instants. De tête, elle était bourgeoise ; elle avait une honnêteté absolue, un amour des choses logiques, une crainte du ciel et de l’enfer, une dose énorme de préjugés ; elle appartenait à son père, à cette race calme et prudente où fleurissent les vertus du foyer. Et c’était dans cette nature que germaient, que grandissaient les fantaisies prodigieuses, les curiosités sans cesse renaissantes, les désirs inavouables. Chez les dames de la Visitation, libre, l’esprit vagabondant dans les voluptés mystiques de la chapelle et dans les amitiés charnelles de ses petites amies, elle s’était fait une éducation fantasque, apprenant le vice, y mettant la franchise de sa nature, détraquant sa jeune cervelle, au point qu’elle embarrassa singulièrement son confesseur, en lui avouant qu’un jour, pendant la messe, elle avait eu une envie irraisonnée de se lever pour l’embrasser. » Marcel Proust
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9 La congruence du personnage :
Il peut être au contraire parfaitement congruent. Sa psychologie, son physique, son passé d’enfant, etc, tout semble alors aligné. Il peut alors devenir un parfait héros (le bien incarné).
Mais même un héros doit subir quelques contradictions, quelques doutes, au moins se questionner, sinon il ne sera ni crédible ni inoubliable. On croira davantage à votre personnage s’il est tiraillé entre ses divergences d’opinions. Il peut être issu d’un milieu aisé et s’éprendre d’une personne d’un statut social inférieur, être honnête et sombrer dans le vol puis se repentir, etc. Ses fragilités, ses erreurs le rendent réel. Pensez aux hésitations de Han Solo avant d’intervenir en faveur de la Princesse Leia au côté de Luke. A vous de voir : héros absolu ou héros fragile ?
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10 L’originalité du personnage :
S’il possède une ou des particularités comme Hercule Poirot avec sa maniaquerie (particularité interne, psychologique) et ses moustaches (particularité extérieure, physique), comme Sherlock Holmes et son opium, l’atmosphère se crée tout naturellement autour de lui, le rendant tangible. Ou même inoubliable. Frankenstein avec un physique de père de famille nous ferait-il le même effet ?
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11 Mais :
Tout ce qui concerne le personnage n’est pas à écrire d’une traite, dès son apparition, gros pavé indigeste qui casserait le rythme de lecture. Non. Comme dans la vie, on doit découvrir le personnage. Tout renseignement est à distiller en continu durant le roman, parfois évocation subtile (on comprend par ses actions, ses réactions), d’autres fois en quelques mots ou lignes plus descriptives. Les dialogues peuvent s’entrelarder d’indications sur le personnage. Dans tous les cas, les descriptions doivent se mêler à la narration.
12 En résumé :
Ce qui rend un personnage de roman vivant, c’est ce qui nous rend vivants. Nos personnages sont faits de la même chair et du même sang que nous. Non, ils ne sont pas faits d’encre et de papier !
Enfin, tout ne peut être écrit sur nos personnages. Les personnages doivent garder, comme dans la vie, leur part de mystère. Qui peut se vanter de connaître quelqu’un tout à fait ? Le lecteur complète ce que vous n’écrivez pas avec sa propre sensibilité, en fonction de son vécu.
« Le lecteur peut être considéré comme le personnage principal du roman, à égalité avec l’auteur, sans lui, rien ne se fait. » Elsa Triolet
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Et vous, quels sont vos trucs pour créer des personnages crédibles et inoubliables ? Merci de partager avec nous vos expériences ci-dessous dans les commentaires.